Opinion- SURVOL DE BRUXELLES

Les effets économiques du plan Anciaux


Les effets économiques du plan Anciaux

G. VAN OUTRYVE
Mis en ligne le 10/10/2003
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Dévaluation immobilière, entreprises juridiquement fragilisées, régions
éconbomiquement spoliées: trois effets pervers du «Plan de bruxellisation de
l'air» du ministre Anciaux

Licencié en Sciences Politiques

Beaucoup auront observé que l'étude commanditée par la BIAC sur les
perspectives de développement de l'aéroport de Zaventem a été publiée à
point nommé pour venir en renfort au ministre de la mobilité. Mais voilà une
étude qui donne une vision réductrice de la problématique économique
suscitée par la dispersion des nuisances aériennes. On pourra dresser une
liste d'au moins trois conséquences économiques néfastes que provoquera la
mise en oeuvre du «Plan de bruxellisation de l'air» du ministre Bert
Anciaux.

Des citoyens spoliés

Le survol intensif de la partie est de Bruxelles va entraîner une
dévaluation immobilière. Les atterrissages à très basse altitude, sur la
piste 02 principalement car ils sont de nature à faire franchir un seuil de
tolérance, vont causer un tort financier énorme aux habitants de cette zone
à forte densité de population. Jusque là, rien d'étonnant, le fait est
habituel lorsque un aéroport se développe et les riverains de Bierset
peuvent en témoigner. Mais dans le cas de l'actuel plan de dispersion des
nuisances créées par l'aéroport de Zaventem, la situation est toute
différente. Il ne s'agit pas de créer de nouvelles nuisances pour permettre
un développement économique, il s'agit de déplacer des nuisances existantes.
Ce transfert de pollution sonore ira de pair avec un transfert de richesse.
Les biens immobiliers des zones qui subissent jusqu'ici davantage de
nuisances verront leur valeur marchande augmenter. Les citoyens
néerlandophones de la périphérie nord de Bruxelles vont s'enrichir au total
de plusieurs milliards d'anciens francs. Tandis que les citoyens
essentiellement francophones de la zone est, plus nombreux du fait de la
forte densité de population, vont perdre ensemble davantage encore. Les
habitants de l'est de Bruxelles ont acquis, le plus souvent par
l'endettement, des biens immobiliers d'un prix très élevé sur base d'une
situation bien identifiable des nuisances aériennes. Les néerlandophones de
la périphérie nord auront eux acquis leurs biens immobiliers pour des prix
extrêmement bas à cause, ou plutôt grâce aux bruit des avions. Equitable, la
répartition des nuisances? La solution qui consiste à transférer nuisances
dans un sens et richesse économique dans l'autre crée une injustice que
certains qualifieront de vol, pour le moins de détournement. Les coupables
ne sont pourtant pas les bénéficiaires. Les habitants concernés ont le
souhait légitime de vivre mieux, pas celui de nuire à autrui. Les coupables
seront les politiques, ceux qui agissent ou qui laissent faire. Menée en
connaissance de cause, cyniquement, cette forme de captation de patrimoine
peut difficilement être expliquée si on ne la situe pas dans la perspective
d'une lutte communautaire. Qui plus est, un transfert de richesses
s'effectuera également depuis les propriétaires immobiliers de l'est de
Bruxelles vers la BIAC, dont l'actif sera augmenté d'autant par le sacrifice
forcé de personnes privées.

Des entreprises fragilisées par l'incertitude

On pourrait croire que le plan de dispersion du Ministre Anciaux favorise
les entreprises qui, comme DHL, tirent des bénéfices de leur droit de
nuisance. Il n'en n'est rien. En faisant franchir un seuil de tolérance pour
les populations de l'est de Bruxelles, le plan va susciter un mouvement de
mécontentement sans précédent et sur une durée illimitée. Le spectacle d'un
avion qui emprunte la piste d'atterrissage 02 est saisissant et le restera.
Le facteur risque pour des entreprises comme DHL va augmenter de beaucoup.
Leurs dirigeants craindront, sans doute à juste titre, que l'évolution du
contexte politique pourra plus tard obliger les autorités à faire machine
arrière en supprimant le surcroît de nuisance sur la partie est de
Bruxelles. Mais à ce moment, il sera trop tard pour repositionner les
nuisances sur les zones du nord de la capitale. Cette solution paraîtra
totalement intolérable à des habitants qui ne voudront pas perdre leurs
acquis. A l'approche de nouvelles élections, le conflit communautaire va
s'intensifier. Alors, il ne restera qu'une seule solution, sans laquelle
aucun gouvernement ne pourra être formé sans grandes difficultés: la
suppression des vols de nuit. Solution déjà appliquée à l'étranger, elle
apparaîtra plus que jamais comme une solution de bon sens s'agissant d'un
aéroport trop proche d'une grande ville. Voilà pourquoi le management de
sociétés comme DHL, mais aussi leurs employés, doivent craindre le pire de
la période d'instabilité que va susciter le Plan Anciaux.

Une région qui ne démarrera pas

Le plan Anciaux part sur un pré-requis économique dont la pertinence n'est
pas démontrée. Il consiste à envisager l'exploitation maximale du potentiel
du site de Zaventem. Beaucoup de voix politiques s'élèvent aujourd'hui pour
répondre que rien ne nous y oblige. D'autres aéroports, existants ou à créer
peuvent faire l'objet d'alternatives plus rationnelles. Les régions qui
auraient une vraie chance d'être choisies pour profiter d'un développement
équilibré, passant par la maîtrise du problème des nuisances, vont être
dépossédées d'autant d'espérances légitimes et rationnelles. Si des emplois
sont en jeu, et c'est sans doute le cas, les habitants, les chômeurs,
d'autres régions ont le droit de prétendre en avoir leur part.

Bert Anciaux développe avec un aplomb ahurissant un discours
éthico-technique fallacieux qui ne doit pas nous tromper. Il base toute son
approche sur le principe de répartition «équitable» des nuisances. Il est
nécessaire d'en dénoncer la fausseté. Il n'existe aucun argument de bon sens
pour que cet argument prenne le pas sur celui qui consiste à localiser le
bruit sur des zones moins peuplées. A cet égard, le critère de la sécurité
n'est pas le moindre. Qui feindra d'ignorer que Bert Anciaux est tenu plus
qu'un autre de rendre des comptes à une opinion publique flamande, voire
flaminguante? Ministre fédéral sans culture fédérale, fort depuis toujours
de ses certitudes identitaires, il prend mal la mesure du bien public quand
il s'agit de bruxellois francophones. Une solution valable pour tous, une
solution pacifique, reste à définir.

© La Libre Belgique 2003

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